Sous la plume de Marianne

Sous la plume de Marianne

Rien de tel qu’une bonne séance d’épouillage

Pascal Picq est un paléonanthropologue de renom (dit autrement, il étudie l'évolution de l'Homme depuis ses ancêtres primates) et maître de conférences au Collège de France. J’aime la façon dont cet homme explique d’où nous venons, à quoi nous ressemblions et pour quelles raisons, au 21ème siècle nous nous comportons toujours un peu, voire beaucoup comme nos ancêtres, les grands singes. Grands singes dont nous devrions plus souvent nous inspirer pour collaborer, travailler, vivre. Dans son dernier ouvrage « Les chimpanzés et le télétravail », Pascal Picq porte un regard éclairé sur les récents bouleversements du monde du travail liés à la crise sanitaire.

 

Maintenant, entrons dans le vif du sujet. Voici à quoi ressemble le portrait de notre grande famille d’ancêtres : ne vous en déplaise, les bonobos, macaques, babouins et autres gorilles sont nos cousins. Quant aux chimpanzés, ce sont nos frères. Comment dans le monde du travail, nos frères et cousins procèdent-ils pour régler les conflits ? Pour motiver les troupes ? Pour innover ?

 

Chez les chimpanzés, c’est toujours au mâle dominant d’intervenir pour éviter que les conflits ne s’enveniment. Là où les grands singes excellent, c’est en matière de prévention des conflits via la pratique de l’épouillage. Puisque nous sommes des êtres « hautement » sociaux, Pascal Picq estime que, à l’instar de chimpanzés, nous avons besoin de séances d’épouillage. Dit autrement, cette nécessité de parler, d’échanger, de partager ensemble d’agréables moments. Dans le milieu professionnel, cet épouillage correspond à ces « bonjour », à ces échanges autour de la machine à café…Il est intéressant de noter que plus une espèce est évoluée, plus elle consacre de temps à ces attentions et, bien-sûr, moins elle enregistre de conflits internes.

 

Motivé, motivé…Depuis longtemps, nos frères (souvenez-vous, les chimpanzés) ont adopté dans leur mode de fonctionnement, les échanges de bons procédés et la mutualisation des compétences. Illustration : Lulu a trouvé une magnifique noix de coco. Problème, il ne sait pas l’ouvrir. Que fait Lulu ? il négocie un deal avec Max, un « donnant-donnant » qui ressemble à ceci : tu ouvres la noix de coco, nous la partageons ensemble. Dès que l'intérêt du groupe est en jeu, les chimpanzés collaborent.

 

L’innovation n’est pas le seul apanage des homo erectus. Elle existe aussi chez les primates. Mais son partage pose parfois problème du fait d’un système hiérarchique rigide. Illustration : nous sommes sur une île du Japon dans les années 50. Une femme macaque, Imo, se nourrit de patates douces sur la plage, jetées à son intention par la population autochtone qui vénère cette espèce. Problème : des grains de sable sont agglomérés aux patates douces. Imo a alors l’idée de les nettoyer dans la rivière. Elle découvre plus tard, qu’un lavage à l’eau de mer, leur confère un délicieux goût salé. Imo vient d’innover. Autre problème : chez les macaques, la hiérarchie est rigide. L’information circule exclusivement verticalement et selon le rang. La sage Imo transmettra sa trouvaille à ses seuls enfants. Enfants qui transmettront plus tard à leur seule progéniture. Il faudra attendre cinq générations pour que l’ensemble des macaques de l’île en profite…Autre exemple chez les chimpanzés où un mâle ayant découvert comment ouvrir les noix de coco, a préféré faire semblant de ne pas savoir, de crainte que sa trouvaille ne soit accaparée par les dominants et qu’il n’en retire aucune gloire.

 

Et le matin, qui saluer en premier au bureau, vous demandez-vous ? Votre collaborateur ? Votre supérieur ? Pascal Picq nous explique que chez les macaques Rhésus, adeptes d'une hiérarchie très pyramidale, digne de l'armée, il revient toujours au subalterne de saluer en premier le dominant. Chez les chimpanzés, en revanche, le mâle leader s'attache tous les matins à répondre aux salutations, voire à faire le premier geste. Petite tape amicale sur l'épaule, regard franc... A défaut ? Il risque de perdre sa popularité, voire son rang.

 

Conclusion ? On oublie les manuels et les théories fumeuses de management. On s’inspire du comportement de nos frères et cousins primates qui sont tout sauf…primaires.

 



03/09/2021
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