Sous la plume de Marianne

Sous la plume de Marianne

Christian Bobin


J'ai aimé un rouge-gorge

 

 

J'ai aimé un rouge-gorge. Il me dévisageait. Ses petites pattes solidement plantées sur une branche d'arbre. Un Dieu moqueur brillait dans ses yeux, semblant me dire "Pourquoi cherches-tu à faire quelque chose de ta vie ? Elle est si belle quand elle ne fait qu'aller, insoucieuse des raisons, des projets et des idées." Je n'ai pas su lui répondre.

 

 



Christian Bobin

1951-2022

Ecrivain, poète

Extrait de "Ressusciter" (Gallimard 2001)

 

 


30/04/2025
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Oui, voilà ce que j'ai fait de ma journée

 

 

Je n'ai absolument rien fait de cette journée, qu'ouvrir au matin les fenêtres de la cuisine et de la chambre, laisser les nuages entrer dans l'appartement, frotter leur silence au silence régnant dans ces pièces.

 

Oui, voilà ce que j'ai fait de ma journée, j'ai ouvert les fenêtres sur le jour, rien d'autre, et dans ce rien beaucoup de choses se préparaient dont je saurai plus tard le nom, beaucoup plus tard. Au soir, parce que les nuages avaient repris leur errance et que le froid s'invitait sans façon, j'ai refermé les fenêtres. Il était huit heures.

 

De la cuisine, j'ai vu un moineau se poser sur un sapin. La branche a tremblé sous la maladresse de son atterrissage. Dans ce mouvement communiqué à l'immense par presque rien, j'ai reconnu l'image de ma journée et je me suis découvert heureux, comblé.

 

 

 

Christian Bobin

Ecrivain, poète

1951-2022

Extrait de "Autoportrait au radiateur"


23/04/2025
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Quelques grains de riz

 

 

 

Dans un monastère zen, chaque moine, à la fin du repas, laisse quelques grains de riz dans son assiette pour les oiseaux. L'écriture est ce geste.

 

 

 


Christian Bobin

1951-2022

Ecrivain, poète

Extrait de "Un bruit de balançoire"


20/04/2025
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Des cloîtres de papier

 

 

 

Les livres sont des cloîtres de papier. On peut s'y promener jour et nuit. Le jardin au centre des cloîtres symbolise le paradis.

 

Avec le temps je suis devenu jardinier au paradis, passant chaque matin un râteau d'encre sur une étroite terre de papier blanc.

 

Il importe que tout soit harmonieux : le paradis n'est pas fait pour qu'on y vive mais pour qu'on le contemple et que, d'un seul coup d'œil sur lui, l'âme soit réconfortée.

 

 

 

 

Christian Bobin

1951-2022

Poète, écrivain

Extrait "Les ruines du ciel" - Chapitre "Le guichet du parloir" (Gallimard 2009)


16/04/2025
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