Et puis, yaceluikidi
Je me souviens encore de ce que me disait mon père lorsque je lui demandais, soit des choses qu’il ne pouvait m’offrir, soit qui l’énervait, soit qui faisait trop mal à son portefeuille : « Bien-sûr, Y a qu’à, faut qu’on ! ». Si mes oreilles avaient entendu la sentence paternelle, elles avaient aussi entendu « yakafokon » ; quant à mon cerveau malicieux, il avait traduit cela à sa façon. Il existait donc des faux cons ? C’est quoi la différence avec les vrais ?
Récemment, j’étais passablement irritée. Tout ce qui passait dans mon proche entourage en prenait pour son grade. A croire qu’ils s’étaient tous donnés le mot. Y compris ce c…. qui venait encore de se garer sur « mon » trottoir, devant « ma » fenêtre. A moins que ce ne soit un mauvais alignement de planètes ? Ou peut-être était-ce la faute à la lune qui devait être pleine.
Qu’importe, de toute évidence, j’étais mal lunée. Tout m’irritait y compris Manu qui nous en remettait encore une couche pour le confinement. « J’en appelle à votre responsabilité », tout en ajoutant qu’il faudra continuer à bien remplir nos attestations, à dire bonjour à la dame mais pas trop près, à se moucher dans son coude…. Tout m’agaçait y compris lui, elle, eux, tous les autres sauf moi bien entendu. Primo, parce que je suis rarement irritée contre ma personne (quoique…), deuzio, parce que je suis douce comme un agneau, gentille comme « Martine joue avec son petit frère », aimable comme lorsque je propose ma place assise à une personne âgée et qu’elle me répond gracieusement « Merci mais je peux encore tenir debout ! ».
Bref, en ce moment, tout ce qui ressemble de près ou de loin au genre humain m’insupporte. Plus insupportable encore de me dire que j’en fais partie. Argh ! Alors, j’ai décidé de régler mes comptes. Après les « yakafokon » du père, voici les « yaceluikidi » de sa fille. Avant cela, une petite précision « yaceluikidi » n’est pas genré. Cela concerne aussi bien les filles que les garçons.
Yaceluikidi « je suis désolé » parce qu’il réalise qu’il n’aurait pas dû, qu’il s’est trompé, qu’il comprend qu’il vous a blessé. Alors vous vous dites que forcément, il n’y aura pas de prochaine fois parce que ce qui lui sert de cerveau lui a fait comprendre que « non, non, ça, on ne fait pas ». Ni une, ni deux, quelques jours plus tard, le voilà à vous redire « Pardon. Je suis désolé » pour la même chose. Et là, vous prenez simultanément et une grande inspiration et sur vous.
Yaceluikidi « A Noël, il doit y avoir du foie gras, des huîtres, une dinde (ah la dinde....!), une bûche, un sapin, des cadeaux sinon c’est pas Noël ». Malheur à vous si vous lui répondez que vous préférez un merveilleux potage au cresson, un bar en croûte de sel accompagné de petites pommes de terre de Noirmoutier cuites sous la cendre et un assortiment de sorbets 100 % naturels et bio. Le cas échéant, vous voilà remisé au clan des mécréants (j’assume).
Yaceluikidi en prenant un objet qui ne fonctionne pas « Bah voilà, va falloir en changer ! » jusqu’à ce que vous lui montriez qu’il faut juste appuyer sur le bouton « on » pour remédier au problème.
Yaceluikidi « Qu’est-ce qu’il fiche avec sa caisse pourrie ! Il va démarrer oui ou m…. ! » et à qui vous rappelez que le feu est encore rouge et que « ta caisse n'est pas mal non plus ».
Yaceluikidi « Et bien-sûr, j’ai pris la mauvaise file d’attente » et à qui vous répondez par un long soupir en levant les yeux au ciel.
Yaceluikidi « J’étais avant vous » et à qui vous répondez « probablement. Mais comme vous le dites si gentiment, trop tard ».
Yaceluikidi qu’il n’est pas heureux dans sa vie, qu’il voudrait bien en changer mais qu’il peut pas…et quand vous lui donnez la clé pour ouvrir la première porte, vous répond « Oui mais… »
Yaceluikidi qui sait toujours mieux que les autres, qui monopolise les conversations, qui n’a rien à fiche de l’avis des autres et que vous regardez en vous disant « si tu savais comme tu me gonfles…. »
Yaceluikidi qu’il a un pet de travers, qu’il a un problème avec sa voiture, qu’il en a marre…mais qui ne vous demande jamais « Tu vas bien ? »
Yaceluikidi « Comment ça va ? » mais qui se fiche éperdument de la réponse.
Yaceluikidi que le monde est foutu, qu’on est tous foutu, qu’on mange trop…
Yaceluikidi qu’il en a assez d’être sollicité par les autres mais qui remplit plus encore sa barque, de peur de s’ennuyer ou de ne plus exister aux yeux de ces autres.
Yaceluikidi « Après moi le déluge ».
Yaceluikidi que c’est pas sa faute mais celle de Lulu, de Toto, de Jojo…
Et puis, et puis…parfois (si, si, ça existe...) Yaceluikidi « Tu vas bien ? » et qui écoute la réponse.
Yaceluikidi que ce que vous portez vous va à ravir.
Yaceluikidi qu’il a du plaisir à être à vos côtés.
Yaceluikidi que la prochaine fois, on refera la même chose tant cela nous a fait du bien.
Yaceluikidi « Tu n’as pas trop froid ? ».
Yaceluikidi « Je ne peux pas faire grand-chose pour l’état dans lequel se trouve le monde. Mais il y a sûrement des choses sur lesquelles je peux agir à mon niveau ».
Yaceluikidi « Tu as vu la lune hier soir ? Elle était magnifique ».
Et parfois, il y a même un Yaceluikidi qu’il aimerait bien continuer à faire un bout de brousse avec vous...« si tu veux bien ».
Et puis, heureusement aussi, il y a Hugo (5 ans) pour me faire penser, espérer que tout va bien ; voire que tout va très, très bien. Je vous raconte. Hugo est fébrile. C’est bientôt Noël. Et voici que le petit Hugo participe à son premier concours de dessin. Thème du concours : dessiner la maison du Père Noël. Fier, Hugo montre son dessin à Julie, sa maman.
- Alors, en bleu à gauche, c'est le frigidaire avec des aliments dedans. Ensuite, le Père Noël mange une banane parce que ça donne beaucoup d'énergie. À l'étage c'est son lit avec une couverture. Et dans le salon il a son fauteuil pour être tranquille. Il y a une cheminée. Sinon il passe par où le Père Noël ? Sur la porte il y a une sonnette, parce qu'on n'entre pas comme ça chez les gens. Et dehors, il y a de l'herbe et des cailloux parce que c'est tellement drôle de jouer avec des cailloux ! On s'invente des histoires de dragons, on en fait des jeux de 7 familles, c'est tellement chouette.
Autant d’altruisme et de bienveillance de la part d’un petit bonhomme, c’est rassurant et ça fait du bien. Merci à Hugo et à sa maman Julie pour ce joli dessin et ce charmant partage.
Dessin : Hugo Benoist-Delagrange :-)
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