Sous la plume de Marianne

Sous la plume de Marianne

Béni soit Alain Rey

S'il est un homme que je place au Panthéon de la lexicographie c'est Alain Rey. Tant de fois ai-je écouté ses chroniques radiophoniques sur l'histoire, l'étymologie des mots de la langue française. 

 

En 1990, le regretté Alain Rey créa le Dictionnaire historique de la langue française, une fabuleuse immersion dans la grande aventure de notre langue, et cela pour au moins deux raisons. Tout d’abord, il a le mérite de remonter en amont de l’étymologie gréco-latine. Nous savons tous que rose vient de rosa ? Certes, mais saviez-vous que ce mot latin est lui-même issu du grec rhodon (d’où rhododendron) et avant lui de l’iranien wr da ? Et le meilleur est à venir : ce dico à nul autre pareil ne se contente pas de donner l’origine d’un mot : il en décrit aussi les changements de sens à travers le temps. On y apprend que « homme », par exemple, a signifié selon les époques « créature raisonnable » ; « être humain vivant » ; « créature de Dieu » ; « soldat » ; « être humain de sexe masculin » ; « mari », « être mâle ayant atteint sa maturité » ; etc. De quoi mesurer l’évolution de nos mentalités collectives et de nos imaginaires.

 

Ce projet de dictionnaire historique de la langue française complètement fou n’a d’équivalent ni en France ni à l’étranger – pas même pour la langue anglaise. Le grand lexicographe des éditions Le Robert a consacré les dernières années de sa vie à actualiser cet ouvrage Il a déniché quelques pépites concernant l’origine de certains mots dont voici quelques exemples.

 

De la pelote au complot, il n'y a qu'un mot

Aucun rapport a priori entre l’innocente balle de la bien nommée pelote basque et un projet concerté secrètement afin de nuire à quelqu’un ou une institution. Et pourtant… Parce qu’une pelote est formée d’une boule de cordelettes assemblées de manière très serrée et recouverte de peau, ces trois éléments constitutifs -

"assemblage", "serré" et "recouvert" – se retrouvent dans l’idée de rassemblement de personnes étroitement liées par un projet secret. Au 12ème siècle, complot avait le sens concret de « foule compacte » avant de se spécialiser avec la valeur moderne de "conjuration".

 

De cloître à cluster

Nombre de Français s’en sont agacés à juste titre : lorsque le Covid est apparu, beaucoup ont cru judicieux de remplacer notre bon vieux "foyer d’infection" par l’anglicisme cluster. Le cocasse est que cluster est lui-même dérivé d’un mot bien français : "cloître", venu du latin claustrum, "barrière". Le lien entre ces deux termes ? Si le cloître désigne la partie d’un monastère fermée par une enceinte, le cluster renvoie à une zone de contagion, strictement délimitée et restreinte à un espace donné. Mais ce le meilleur est pour la fin : cluster a conservé la marque du -s d’origine, caractéristique du français du Moyen Age, un comble pour la langue qui incarne aujourd’hui la modernité...



13/12/2022
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