Sous la plume de Marianne

Sous la plume de Marianne

Rien ne se vit en vain

 

 

Gracile, vulnérable, craintive, elle trottinait sur le macadam, à quelques mètres de ma porte d’entrée.

 

Doucement, je m’approchai d’elle. Au fur et à mesure que j’avançai, elle reculait. Elle ne paraissait pas effarouchée mais gardait ses distances. Je m’accroupis pour me mettre à sa hauteur, imaginant que ma grandeur devait l’intimider.

 

- Que fais-tu ici seule ? Tu sembles bien jeune.

 

Elle m’observait fixement puis détourna le regard. Elle conserva toutefois une pose de profil pour garder un œil sur moi au cas où. Elle ne semblait pas blessée. Un peu perdue. Je me relevais, rentrais chez moi, soucieuse d’abandonner sur le trottoir ce petit être vulnérable.


Quelques minutes plus tard, je décidai d’appeler la très utile Ligue pour la protection des oiseaux expliquant à mon interlocutrice qu’une jeune tourterelle faisait les 100 pattes devant chez moi, qu’elle n’était apparemment pas blessée. Mais voilà, elle n’avait pas l’intention de prendre son envol. Que faire ?

 

J’appris que la chose était assez commune chez les tourterelles. Souvent, après avoir pris assurance, embonpoint et plumes, les jeunes n’avaient qu’une idée en tête, partir explorer le vaste monde. Problème : ces têtes brûlées, si elles étaient suffisamment plumées, n’avaient pas encore la force nécessaire pour prendre leur envol. D’où ces atterrissages fortuits sur le macadam urbain.

 

- C’est simple. Il faut lui faire un nid artificiel qu’il faudra suspendre dans un arbre.


Oui, bien sûr. Comment n’y avais-je pas pensé. C’est d’une simplicité déconcertante. Faire un nid en ville et le suspendre suffisamment haut dans un arbre. Passe pour le nid, mais pour la mise en place en altitude ?

 

- Pour le nid, une boîte en carton suffit. Vous l’attachez à une ficelle et suspendez l’ensemble. Il faut surtout la protéger des prédateurs.

 

Mon interlocutrice m’apprit par ailleurs que les parents dudit volatile ne devaient pas être loin et qu’ils veillaient à distance sur leur progéniture. Il me fallait donc trouver un arbre à proximité du lieu où la jeune demoiselle se trouvait afin que ses parents puissent la retrouver. L’affaire se compliquait sérieusement.

Une idée me vint en regardant par la fenêtre de mon bureau situé au premier étage de la maison, juste au-dessus du volatile. Le rebord de la fenêtre était suffisamment large pour y accueillir un nid en carton pour ma jeune protégée. Ainsi, ses parents pourraient la repérer. Mais…

 

- Mais si elle ne peut pas encore voler, imaginez qu’elle fasse le saut de l’ange ?

 

On vint à bout de mon ignorance en m'expliquant qu’un oiseau, fut-il jeune, a la capacité de planer même s'il n'est pas encore en capacité de voler.

 

Ni une ni deux, je récupérai un carton dans lequel je déposai quelques pages de journal, un peu d’herbe séchée provenant de la tonte du jardin. L’âme légère et heureuse, j'installai avec solennité le carton sur le bord de la fenêtre prête à accueillir ma petite réfugiée.

 

Je sortis le sourire aux lèvres avec cette impatience qui nous anime lorsque nous nous apprêtons à vivre, et parfois à créer, un événement qui ait du sens.


Ma petite beauté avait disparu. Je la cherchai aux alentours, en vain. Avait-elle pris enfin son envol ? Je l'espérais.


L’air tristoune, je rentrai chez moi, ôtai le carton du rebord de la fenêtre, m’apprêtai à le mettre au rebut, quand ma chatte s’approcha du carton et décida d’y élire domicile.

 

Rien ne se vit en vain. Rien ne se réalise en vain.

 

 

 

 



15/10/2024
2 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 18 autres membres