Le désespoir vous plaît, moi je prends l'espérance
Nul ne voit l'autre aspect du destin, le trépas ;
Nul ne sait rien. Alors j'ai le choix, n'est-ce pas ?
J'ai mon goût, vous le vôtre ; après tant de souffrance,
Le désespoir vous plaît, moi je prends l'espérance ;
Et puisque selon vous rien n'est clair, rien n'est sûr,
Vous choisissez la cendre et je choisis l'azur.
Je veux être ici-bas libre, ailleurs responsable,
Je suis plus qu'un brin d'herbe et plus qu'un grain de sable ;
Je me sens à jamais pensif, ailé, vivant.
*
Ce n'est point vers la nuit que je crie en avant !
Mourir n'est pas finir, c'est le matin suprême.
Non ! je ne donne pas à la mort ceux que j'aime !
Je les garde, je veux le firmament pour eux,
Pour moi, pour tous, et l'aube attend les ténébreux ;
L'amour en nous, passants qu'un rayon lointain dore,
Est le commencement auguste de l'aurore ;
Mon cœur, s'il n'a ce jour divin, se sent banni,
Et, pour avoir le temps d'aimer, veut l'infini ;
Car la vie est passée avant qu'on ait pu vivre.
C'est l'azur qui me plaît, c'est l'azur qui m'enivre,
L'azur sans nuit, sans mort, sans noirceur, sans défaut ;
C'est l'empyrée immense et profond qu'il me faut,
La terre n'offrant rien de ce que je réclame,
L'heure humaine étant courte et sombre, et, pour une âme
Qui vous aime, parents, enfants, toi ma beauté,
Le ciel ayant à peine assez d'éternité !
Victor Hugo
1802-1885
Ecrivain, poète, dramaturge, romancier, homme politique français
"La Légende des siècles"
(Les Grandes Lois - extrait de "Par-dessus le marché, je dois être ravi")
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